Nice, amère saison


par Huguette Hatem et Laurence James Editions de l'Amandier (20€)


Septembre 1940- Août 1944 : Quatre ans de la vie de deux jeunes filles, l'une juive et parisienne, l'autre catholique et campagnarde, toutes deux élèves du lycée de Nice pendant la guerre.


Livre à deux voix, qui nous racontent la même histoire vue de deux points de vue avec quelques interférences. On ne trouvera pas ici d'adolescentes révoltées contre leurs familles ( mais l'adolescence existait-elle pendant la guerre ?), ces jeunes filles sont sérieuses, elles travaillent, au lycée où la charge est lourde et l'encadrement exigeant, mais aussi, au moins pour l'une d'entre elles, Christiane, fille de paysans, à la fois à la ferme quand elle peut s'y trouver et à la boulangerie de Nice, où elle aide ceux qui l'hébergent.


Deux milieux différents : celui de Lia, plus cultivé, plus urbain, où le piano, la danse, tiennent une grande place ; celui de Christiane, apparemment plus pauvre ( elle est boursière) mais en ces temps de guerre, fille de paysans vivant chez un boulanger, ne manquant pas trop de nourriture, tandis que la famille de Lia, interdite de travail par les lois de Vichy, en est réduite à vivre de bric et de broc, sans rien de vraiment assuré.


La nature tient une grande place dans ce livre, la belle nature que Christiane regrette quand elle est enfermée dans la boulangerie de Nice ; la paisible nature que Lia découvre lors d'un camp d'éclaireuses qui lui permet brièvement d'oublier la guerre.

On s'attache tout de suite à ces deux charmantes filles, on s'intéresse à elles, à ce qui leur arrive, aux personnages parfois inquiétants ( le commis de boulangerie acquis à la milice), parfois étranges ( Olga Klippfel qui apprend les échecs à Christiane, et sa voisine Violette Pichon, trop fardée) qu'elles croisent. On découvre à travers elles l'histoire de Nice pendant la guerre, l'occupation italienne, bientôt relayée par l'occupation allemande, les bombardements puis la joie de la libération. On comprend les inquiétudes et les douleurs des familles : qu'un jeune soit réquisitionné pour le STO ( service de travail obligatoire); qu'un voisin vous dénonce ; qu'un résistant perde la vie au moment même où la guerre se finit. Mais on croise aussi beaucoup de bonnes personnes, discrètes, efficaces, une surveillante de lycée, des bonnes sœurs, des fonctionnaires de l'enregistrement qui se refusent à tamponner le mot juif sur les cartes qu'on leur tend, des amis qui vous hébergent...


Bref un roman tout à fait remarquable, susceptible de plaire à un nombreux public de tous âges, ceux qui ont connu la guerre, ceux qui en ignorent tout, ceux qui ne connaissaient pas l'histoire si particulière de Nice à cette époque. Et surtout les jeunes de l'âge de Lia et Christiane, et leurs enseignants pour qui ce livre peut être une mine se prêtant à de nombreux prolongements.


Félicitations à Huguette Hatem et Laurence James pour avoir réussi ce roman plein de charme, bourré de détails précis, et créé deux personnages féminins dont on se souviendra longtemps.


Simone Balazard 10 janvier 2011